Samedi dernier, Jessica HARRISON participait à la finale des World Triathlon Series (WTS – Championnat du Monde de triathlon). Une course à la saveur particulière et chargée d’émotion puisque c’est celle que Jessica avait choisi pour mettre un terme à sa carrière internationale.
Des années passées à faire du triathlon à haut niveau, depuis 10 ans à Poissy Triathlon, dont presque autant d’années à porter les couleurs de la France depuis sa naturalisation, Jessica a inscrit son nom au palmarès des plus grandes courses. Plusieurs fois Championne de France, vainqueur de Coupe de Monde, régulièrement dans le top 10 du classement mondial, 9è des derniers JO de Londres, Jessica laisse, incontestablement, son empreinte dans l’histoire du triathlon français.
Entretien.
Poissy Triathlon. – Jessica, tu as annoncé, il y a quelques jours, ta décision de mettre un terme à ta carrière internationale, notamment pour mieux te reconcentrer sur les courses nationales et amorcer, doucement, le virage de ta reconversion. Pourquoi cette décision ?
Jessica. – Je sens que c’est le moment. Il y a un certain changement de génération et même si je reste performante – surtout en natation – la dynamique de course chez les filles en ce moment est très axée sur la course à pied. Je ne suis pas une mauvaise coureuse 😉 mais pragmatiquement je ne crois pas être capable de passer un cap pour courir les 10 bornes en moins de 33 minutes – et il faudrait ça pour aller chercher une médaille à Rio je pense. Si le relais par équipe avait été intégré au JO en 2016, peut-être j’aurais continué un peu pour voir si c’était possible de faire parti de l’équipe et aller chercher une médaille. Mais vu que ce n’est pas le cas…« Si le relais par équipe avait été intégré au JO en 2016, peut-être j’aurais continué » Je suis encore pas mal et je ne me blesse pas mais est-ce que j’aurais fait mieux que mes 12ème et 9ème places au derniers Jeux ? Probablement pas. Il y a autre choses à voir et faire dans le monde et j’ai une super opportunité, avec Mako, de me reconvertir avec un nouveau challenge passionnant donc je sens que c’est le moment – même si j’avoue c’est super dur !!!
Les courses nationales (les Grand Prix) ont une autre dynamique de course qui me convient et je prends encore beaucoup de plaisir à les faire, donc ça me motive pour continuer à m’entrainer correctement même si ça ne sera plus ma préoccupation centrale.
Comment résumerais-tu ces années passées à porter les couleurs de la France ?
Franchement j’ai pris mon pied grave !!! Je ne pourrais jamais assez remercier la FFTRI de m’avoir accueilli – ça m’a permit d’intégrer le Pôle France de Montpellier et de me faire entrainer par Stephanie Gros et de m’entrainer à côté d’athlètes sérieux et intelligents. Si j’ai passé un cap en triathlon c’est surtout grâce à ce changement.
Il y a eu tellement de moments forts que c’est très dur de tous les citer, mais entre autre faire des médailles aux Championnats du Monde par équipe c’était des moments forts – surtout à Stockholm ou j’ai partagé ça avec Carole (la compagne de Jess dans la vie [NDLR]) et Tony. Tout les autres moments extraordinaires passés avec Carole, Steph et les autres membres de l’équipe de France en déplacement ou en stage, resteraient avec moi. Je crois avoir eu eéormement de chance d’avoir partagé ça avec des personnes vraiment sympathiques – l’équipe de France est vraiment un groupe bien soudé (athlètes, coachs, kiné, le doc Claude) et là on a de la chance car ce n’est pas le cas dans toutes les fédés ! (les anglais sont jaloux de ça d’ailleurs 😉 On s’amuse vraiment bien et quand on passe tant de temps en déplacement, c’est super important.
Mais avant tout, porter les couleurs de son pays est un grand honneur et j’espère avoir été digne de la confiance qu’on a placé en moi.
Quelle course internationale t’a le plus marqué et pourquoi ?
Une ??? Tu veux que j’en choisisse qu’une ?! 😉
Je crois Hambourg en 2007. C’était les Championnats du Monde et j’ai fait 9ème. C’était mon premier top 10 au niveau Championnat du Monde et j’étais comme sur un nuage après. Je n’arrivais pas à dormir ! Fin 2005, je m’étais dis : « Soit tu te bouges ton c** et tu t’entraines comme il le faut, soit tu arrêtes et tu vas bosser ». Là, je me suis dis que j’avais pris la bonne voie en continuant le triathlon ! En plus, cette course est toujours magique avec des spectateurs partout – ce jour là apparemment, il y avait 200 000 personnes sur le parcours. Un bruit de folie.
Tu as choisi Londres comme dernière course internationale. Tout un symbole ? Qu’as-tu ressenti avant de franchir la ligne d’arrivée ?
Oui je crois que ça clôt bien le chapitre ! Je voulais finir la saison et la série WTS, j’aime bien aller au bout des choses. Et franchement j’étais très bien préparée – dommage que j’ai crevé de l’avant après 4 tours… Mais bon, on ne peut pas tout contrôler. L’année dernière à la fin de l’année Olympique j’avais déjà failli arrêter, mais je suis tombée malade avec une bronchite juste avant la finale à Auckland (j’ai eu beaucoup de mal à finir la course) – et je ne pouvais pas arrêter comme ça. Quelle différence entre une bronchite et une crevaison ? En tout cas je sais que cette année physiquement j’étais au top – le reste c’est le destin.
J’ai ressenti beaucoup d’émotions mais qu’une fois la ligne franchie,avant j’étais concentrée sur la tâche. Je ne pleurs pas beaucoup – en tout cas pas en sanglots (ok devant les films, mais tu vois ce que je veux dire !) – et là impossible de retenir mes larmes. Je me suis retournée et j’ai vu Andrea (Hewitt, sa co-équipière au club, NDLR) – qui était en larmes aussi pour moi, ça ne m’a pas aidé à me contrôler ! J’ai eu tellement de témoignages touchant depuis que j’ai annoncé mon arrêt que forcement je suis très émue.
Maintenant que la course est finie, comment te sens-tu ?
Un peu vide, un peu comme après les Jeux. Un peu triste. Mais heureusement, j’ai d’autres projets professionnels, mes proches et des vacances en vue pour m’occuper l’esprit ! Et bien sûr la saison n’est pas finie !!! Il y a encore 3 titres à aller chercher (le GP, les « France » et la Coupe de france).
Sportivement, comment envisages-tu les années à venir ?
Tant que j’aimerais la compèt’, que je me rends utile et que les jeunettes ne me ridiculisent pas trop, je serais làJe compte bien continuer à m’entraîner assez bien – mais forcément moins que pour la WTS. Du coup, je vais axer ça sur de la prépa pour les courses en format sprint surtout (ex : les Grands Prix) et puis j’ai aussi envie d’essayer d’autre types de courses comme les trials, des raids ? – pour le fun et ça ne peut que m’aider pour les triathlons. Pendant combien de temps ? Je ne sais pas ! Tant que j’aimerais la compèt’, que je me rends utile et que les jeunettes ne me ridiculisent pas trop, je serais là 😉